04 juillet 2007

Voyage à Mauzé

René Caillié, le héros de notre spectacle 2007, est né à Mauzé-sur-le-Mignon. Cette petite bourgade d'un peu plus de deux mille habitants est située en bordure du marais poitevin, à quarante kilomètres à l'est de La Rochelle.

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Par un arrêté préfectoral datant de 1842, soit quatre ans après la mort de Caillié, le quatrième week-end de juin a été choisi pour célébrer sa mémoire. Et depuis, chaque année, c'est la fête au village.
Depuis une dizaine d'années, cette fête s'est même transformée en festival, doté de prix qui récompensent le récit d'un voyageur ou qui encouragent des jeunes à entreprendre un voyage inédit à travers le monde. Ceci pour perpétuer non seulement le souvenir de René Caillié, mais pour aussi insuffler aux jeunes générations l'esprit qui conduisit cet explorateur atypique à entreprendre son voyage à Tombouctou.

//cledar.ch/2007/mauze-entree-min.jpg Lorsque nous avons appris l'existence de ces festivités, il ne nous a pas fallu longtemps au Clédar pour nous décider à aller y voir d'un peu plus près.
C'est ainsi qu'une dizaine de membres de la compagnie se sont embarqués jeudi 21 juin dernier à bord d'un petit car pour faire une traversée de France pour une fois (réseau routier est – ouest oblige) sans autoroutes.
Comme Mauzé ne dispose d'aucun hôtel, nous nous sommes établis sur l'ile de Ré toute proche.
Je ne m'allongerai pas sur les joies annexes du voyage qui nous ont permis de découvrir une ville magnifique, La Rochelle et de faire un tour en bateau assez mouvementé, car la mer était grosse et le vent particulièrement violent. Je ne vous mettrai pas non plus l'eau à la bouche en vous parlant des cures de fruits de mer qui ponctuèrent nos journées !

//cledar.ch/2007/mauze-jlm-min.jpg Le samedi après-midi donc, nous débarquons à la mairie de Mauzé où nous sommes reçus par l'adjoint au maire, responsable des affaires culturelles de la ville. Ce monsieur Morisset nous détaille les festivités dédiées à René Caillié et qui durent une pleine semaine. Les propositions sont multiples : Le volet culturel comprend plusieurs concours, dont le prix littéraire René Caillié, des récompenses à des citoyens qui ont fait honneur à Mauzé, l'organisation d'une bourse René Caillié, une exposition de produits locaux indiens, un café de l'Aventure, des conférences sur des treks, des présentations de films, des conférences, etc.

Mais la fête est populaire aussi, avec des ballades nocturnes, un concours de pétanque, une retraite aux Flambeaux, un feu d'artifice, un bal champêtre, une cavalcade (défié de chars décorés et de fanfares) sans oublier bien sûr le cortège officiel et le discours de monsieur le maire !
Retenu par un mariage, ce dernier nous reçoit bientôt dans la salle d'honneur de la mairie. //cledar.ch/2007/mauze-maire1-min.jpg Accueil chaleureux et plein d'humour d'un homme de quatre-vingts ans, débordant de vitalité. Il nous présente d'abord le portrait de René Caillié qui orne l'un des murs, puis ceux de tous les présidents de la République, où manque celui de Sarkozy, pas encore accroché, mais qui pose déjà problème: le cadre ne sera-t-il pas plus petit que les autres? (N'oublions pas que même si la région est plutôt conservatrice, nous sommes dans la patrie de Ségolène Royal!). Quelques photos de Tombouctou, prises lors du raid Citroën de 1923, complètent la décoration de cette salle.
Il nous parle également de sa commune, qu'il dirige depuis trois législatures et de cette "Fête René Caillié", qui est l'événement festif le plus important dans l'année mauzéenne.
Après cet accueil officiel, mais très convivial, nous parcourons la ville sur les pas de René Caillié. Nous voyons l'école où il fit ses premières années d'étude, l'emplacement de sa maison natale. Nous passons devant le buste de l'explorateur, posé au milieu du pont enjambant la petite rivière du Mignon et terminons cette ballade près du monument René Caillié.
//cledar.ch/2007/mauze-drb1-min.jpg De retour à la mairie, nous sommes reçu par le docteur Michel Bossuet. Ce vieillard de quatre-vingt-sept ans est une mémoire vivante. Volubile, passionné, il nous raconte René Caillié comme s'il avait vécu à ses côtés. Il a passé sa vie à collectionner tout de qui a trait de près ou de loin au héros de Mauzé, à traquer le document inédit, à rectifier, compléter, enrichir les connaissances sur cet homme, sans oublier quelques piques lancées contre la perfide Angleterre, qui a, rendez-vous compte, osé contester l'authenticité des carnets de Caillié.
Nous passons ainsi une heure pendus à ses lèvres, sous le charme de cette passion qui illumine son visage.

//cledar.ch/2007/mauze-mairie-min.jpg Le lendemain dimanche, dernière journée de la fête René Caillié. À dix heures, nous sommes sur la place du village, qui ne semble pas encore réveillé. Mais rapidement des bruits de musique se rapprochent et bientôt le cortège est prêt à partir. En tête, le drapeau français et celui de la commune, suivi des sapeurs pompiers. Les tout jeunes d'abord, en uniformes et casques oranges. Derrière eux les costaux, les vrais, avec leurs casques étincelants et leur hache brillante sur l'épaule. La musique, clairons en tête, donne le rythme. Puis, monsieur le Maire, les membres des autorités et le gendarme, qu'on croirait tiré d'un film de De Funès. Et juste derrière…. Le Clédar.
Considérés comme hôte d'honneur de cette journée, nous figurons en bonne place dans le cortège!
Enfin, les habitants du village prennent le pas et suivent. Il ne reste aux fenêtres que ceux qui ont de la peine à marcher et quelques femmes occupées sans doute à préparer le repas. Quand le village est en fête, tout le village défile !
Devant le monument de René Caillié, à l'extrémité du village, le Maire commence par déposer une gerbe de fleurs. Puis la musique entonne deux hymnes nationaux. D'abord celui du Mali, joué avec cœur, mais aussi quelques maladresses, puis la Marseillaise, qui elle, a l'air nettement plus familière aux musiciens.
Le Maire fait son discours, consacré cette année à la famille de René Caillié côté paternel (le père de René Caillié mourut au bagne de Rochefort pour avoir soi-disant volé quelques pièces de monnaie dans un café où il était ivre), des enfants récitent un poème et le cortège retraverse le village en direction de la mairie.

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Une foule compacte se presse dans la salle d'honneur pour assister à la distribution des récompenses. Des prix sont donnés à quelques jeunes sportifs de la commune qui se sont distingués au cours de l'année. Puis vient le prix littéraire René Caillié, décerné cette année à un jeune qui a parcouru seul la Sibérie en kayak, dans un périple de plusieurs mois. Puis trois jeunes filles reçoivent un chèque mille Euros pour les aider dans un projet qu'elles prévoient de réaliser en Amérique du Sud.
Enfin, l'adjoint au maire présente ses "amis suisses" du Clédar, venus spécialement honorer de leur présence les festivités de Mauzé (sic). Notre président Claude Crausaz est même appelé le René Caillié suisse!

La journée se poursuit par le traditionnel banquet officiel auquel nous sommes invités. Curieusement, presque le tiers des convives est composé de gens du Clédar! Quel honneur!

//cledar.ch/2007/mauze-mali-min.jpg Les conversations sont animées. L'un des convives nous raconte l'histoire du seau à champagne: Lors d'une visite officielle de la ministre de la Culture malienne en France, une rencontre fut organisée à Mauzé avec Ségolène Royal, alors également ministre de la Culture. À l'heure des discours, la ministre malienne fit une allocution d'un très haut niveau, dans lequel elle exposa avec éloquence tout ce que culturellement le Mali pouvait apporter à l'Occident. Après cette brillante démonstration, madame Royal, qui devait prendre la parole, rangea son papier dans sa poche et dit simplement: "Il est inutile que je fasse un discours après de telles paroles. Je vous demande simplement de vous en souvenir".
//cledar.ch/2007/mauze-maire2-min.jpg Puis vint l'heure des cadeaux. Si l'histoire ne retint pas ce que Ségolène Royal donna à sa collègue malienne, cette dernière couronna cette partie officielle en offrant un seau à champagne à son hôte en lui disant: "Voici un seau à champagne confectionné par les petits artisans de mon pays. Il est constitué de restes de bidons d'essence que le Paris-Dakar a abandonnés sur nos routes. Il vous appartient, je vous le rends!"
Inutile de dire que ce seau trône aujourd'hui dans le bureau du maire de Mauzé.

//cledar.ch/2007/mauze-drb2-min.jpg Après le repas et quelques discours, nous terminons cette journée par une visite impromptue au domicile du docteur Bossuet. Ce passionné de René Caillié nous dévoile ses richesses: Editions originales de 1830, dédicacées par Caillié, toutes les éditions ultérieures en français et en anglais, tableaux, médailles, photos. Une vraie caverne d'Ali Baba. Et toujours cette passion, ces yeux pétillants, ce verbe riche.
Cette visite se termine autour d'une bouteille de champagne qu'il tient à partager avec nous et quelques effusions pleines d'émotion.

En nous plongeant pendant ces deux jours dans la "fête à Caillié" comme ils disent, nous aurons beaucoup reçu. Des impressions et des connaissances qui immanquablement nous auront nourris pendant cette phase préparatoire de notre spectacle.
Et puis nous aurons pu vérifier que célébrer un personnage qui est mort il y a plus d'un siècle et demi ne se résume pas à quelques cérémonies poussiéreuses et ennuyeuses, mais à une véritable fête, vivante et populaire. Et que les organisateurs en ont fait un moyen dynamique de récompenser et d'encourager de jeunes talents.
Chapeau aux gens de Mauzé. Et merci pour votre accueil!