30 mars 2008

Une histoire à raconter

Depuis qu'elle nous a fait vivre l'aventure de Shakespeare et de sa pièce Hamlet en 2005, Anne Cuneo s'est prise d'amitié pour le Clédar au point de devenir membre de la Compagnie.

Un jour que nous discutions sur les spectacles futurs, elle s'écria : " Mais vous savez que vous avez une histoire formidable à raconter dans votre Vallée. Rappelez-vous ! À la fin du XIXe siècle, vous avez eu des entrepreneurs audacieux qui se sont dit que la glace de vos lacs pourrait faire merveille dans les brasseries parisiennes. Qu'il fallait l'exploiter en hiver et la transporter en été jusque dans la capitale française. Et que le grand défi était de construire un chemin de fer pour acheminer ces milliers de mètres cubes. Si vous êtes d'accord, je vous écris un spectacle sur les aventures de ces pionniers visionnaires !"

Aussitôt dit, aussitôt fait !

En cette fin d'hiver 2008, Anne Cuneo est donc plongée jusqu'au cou dans la recherche de documentation et d'archives historiques. Elle passe au peigne fin les archives communales et cantonales, collecte les livres, brochures et photos, interviewe les derniers centenaires de la Vallée de Joux, bref, selon son habitude, elle met en place un cadre parfaitement documenté pour ensuite y placer cette histoire.

Il est vrai que les événements de cette époque sont riches :

En février 1871, près de nonante mille soldats français entrent en Suisse pour y être désarmés et internés. Ce sont les fameux Bourbakis (du nom de leur général) qui fuient devant les Prussiens qui les encerclent. Cette retraite est restée dans les mémoires surtout par leur entrée en Suisse par les Verrières. Mais qui se souvient qu'ils furent près de quinze mille à traverser la forêt du Risoud pour être hébergés dans la Vallée de Joux ?

En 1879, débute l'exploitation de la glace sur le lac Brenet. Un bâtiment en bois est construit pour abriter jusqu'à la belle saison quelque 14'000 mètres cubes de glace. Plus de cent ouvriers sont occupés l'hiver au découpage et au stockage de la précieuse matière.

En été la glace est tout d'abord descendue sur des charrettes tirées par des chevaux jusqu' à la gare de Vallorbe, pour être chargée sur des wagons en partance pour Paris, Genève, Lyon et le sud de la France.

Mais la route est longue jusqu'à la gare. La glace se casse et fond le long des seize kilomètres de route qu'empruntent les charretiers en pleine chaleur estivale. Naît alors une idée folle : construire une ligne de chemin de fer reliant Vallorbe au Pont. Pour éviter un transbordement, il est décidé de construire une ligne à écartement normal. Ce défi colossal implique le percement d'un long tunnel et la construction de gros ouvrages de soutènement sur les flancs abrupts de la Dent de Vaulion. Finalement, la ligne est inaugurée par un banquet de sept cents personnes en 1886. Elle sera prolongée jusqu'au Brassus en 1899.

De nouvelles constructions permettent d'augmenter le volume de stockage de la glace à plus de 40'000 mètres cubes.

Le 19 août 1890, un cyclone ravage la Vallée de Joux, détruisant d'innombrables maisons et anéantissant des forêts entières.

En avril 1927 le bâtiment de stockage est entièrement détruit par le feu. Curieusement la glace ne fond pas, mais c'est un coup dur pour la société. Elle reconstruit un nouveau bâtiment, mais l'exploitation diminue inexorablement.
Elle cesse définitivement en 1942.

Ces septante ans d'histoire sont bien entendu émaillés d'innombrables événements heureux et malheureux, de bagarres politiques et de banquets de fête. Il y aurait donc encore beaucoup à dire sur cette aventure industrielle.

Mais laissons à Anne Cuneo le talent et le temps d'en faire une belle histoire que la Compagnie du Clédar se réjouit de vous raconter lors de son "Théâtre d'Eté Vallée de Joux 2009"